Kissinger su Liberation



LIBERATION (France)

Kissinger témoin dans l'affaire Pinochet 
L'ex-ministre américain entendu aujourd'hui à Paris.

Par FABRICE TASSEL

Le mardi 29 mai 2001
   
 Le juge parisien Roger Le Loire devrait entendre cet après-midi Henry
Kissinger, l'ancien ministre des Affaires étrangères américain, en poste
pendant les deux présidences de Richard Nixon. Un épisode insolite de
l'instruction du juge Le Loire pour «crimes contre l'humanité», «génocide»
et «séquestration» ouverte contre le général chilien Augusto Pinochet, mis
en examen en novembre 1998.

Cette information judiciaire avait été ouverte après la plainte déposée par
les familles de plusieurs Franco-Chiliens disparus à l'occasion du plan
Condor mis en place par la dictature chilienne. Informé du passage de Henry
Kissinger dans la capitale, le juge Le Loire a demandé hier à des policiers
de la brigade criminelle de se rendre à l'hôtel Ritz afin de lui délivrer
une citation comme témoin. Pour l'anecdote : le directeur du Ritz a traduit
le document à l'ancien secrétaire d'Etat américain, qui n'a fait aucun
commentaire.

Cette audition, demandée par Me William Bourdon, l'avocat de trois des
plaignants, s'inscrit dans la recherche de témoignages de certains hauts
responsables américains, comme Richard Helms, le directeur de la CIA en
1973, dont l'avocat a aussi demandé l'audition. «Au-delà du symbole que
représente Kissinger, il s'agit d'abord d'entendre l'ancien ministre,
également à la tête du Conseil national de sécurité, l'organe qui
supervisait l'ensemble des activités diplomatiques et militaires des
Etats-Unis. Si nous étions au Chili ou en Espagne, il serait entendu de la
même façon», explique Me Bourdon.

Depuis un an, le juge le Loire a également accumulé des informations à
partir de l'examen des archives déclassifiées de la CIA, prouvant la
connaissance par les services secrets américains des activités de leurs
homologues en Amérique latine. Le 28 février 2001, il a entendu John Charles
Dinges, un journaliste américain auteur de plusieurs livres sur cette
période, qui a commenté certains des documents de la CIA. Le rôle des
services secrets français constitue également une piste, puisque le juge a
entendu ces deux derniers mois plusieurs anciens agents des services
spéciaux français, et même, lundi 23 mai, le général Paul Aussaresses, qui
était attaché militaire au Brésil en 1975