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Côte d'Ivoire : Les Milices Commettent des Abus en Toute Impunité



From: Human Rights Watch
Subject: Côte d'Ivoire : Les Milices Commettent des Abus en Toute Impunité

Côte d'Ivoire : Les Milices Commettent des Abus en Toute Impunité

(New York, le 27 novembre 2003) Les milices progouvernementales de la Côte 
d'Ivoire sont en train de commettre de sérieux abus contre les civils, y 
compris des assassinats et tortures, a annoncé Human Rights Watch 
aujourd'hui. Le gouvernement Ivoirien et les forces internationales de 
maintien de la paix doivent prendre des mesures pour contrôler la 
prolifération de ces milices qui opèrent en toute impunité.

Lors d'une visite en Côte d'Ivoire en octobre dernier, Human Rights Watch a 
reçu de nombreux témoignages crédibles selon lesquels des groupes armés - 
que les forces de sécurité officielles ont laissé agir en toute impunité - 
ont commit de sérieux abus envers la population civile dans les régions du 
pays contrôlées par le gouvernement. Ces abus qui incluent assassinats, 
tortures et agressions, ont continué de se produire depuis la fin 
officielle du conflit en juillet dernier, lequel avait commencé en 
septembre 2002.

" La prolifération des milices est une conséquence très dangereuse du 
conflit en Côte d'Ivoire, surtout pendant cette situation présente qui est 
particulièrement instable", a annoncé Peter Takirambudde, directeur de la 
Division Afrique de Human Rights Watch. " Malheureusement, le gouvernement 
n'a pas agit de manière à endiguer cette tendance. Au contraire, ces 
groupes continuent leurs assassinats en toute impunité. "

Les témoignages reçus par Human Rights Watch indiquent que dans l'ouest et 
le sud-ouest du pays, ces milices ont harcelé et agressé des fermiers, dont 
bon nombre sont des migrants venus d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, 
notamment du Burkina Faso. La plupart des membres de ces milices sont bété 
- le même groupe ethnique que celui du Président Ivoirien, Laurent Gbagdo - 
ou font parti de groupes liés aux Bétés. Durant les 10 derniers mois, des 
milliers de fermiers qui avaient émigré du Burkina Faso ont été expulsés de 
leurs habitations aux alentours de Toulepleu, dans l'ouest de la Côte 
d'Ivoire. Vers la fin octobre, plusieurs centaines d'africains de l'ouest 
et d'ivoiriens du groupe ethnique des Baoulés ont apparemment été chassés 
par des groupes de jeunes bétés de leurs terres aux alentours de Gagnoa, 
dans le sud de la Côte d'Ivoire. Les milices soutenant le gouvernement sont 
toujours actives dans la région de la capitale, Abidjan.

En Côte d'Ivoire, les milices progouvernementales, connues sous le nom de 
'Jeunes Patriotes', se sont multipliées de façon drastique depuis ces 14 
derniers mois. Bien que leurs effectifs restent inconnus, il semblerait que 
leurs membres se comptent par milliers. Plusieurs des leaders de 
l'organisation qui coordonne l'ensemble de ces milices-le Groupement des 
Patriotes pour la Paix, ou GPP-sont d'anciens leaders de l'organisation 
nationale des étudiants, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte 
d'Ivoire, ou FESCI. Ces leaders semblent avoir augmenté le nombre de 
membres en utilisant le réseau estudiantin ainsi que les mouvements de 
jeunesse des partis politiques, particulièrement le Front Populaire 
Ivoirien, ou FPI, le parti actuellement au pouvoir. Les étudiants 
activistes ont aussi joué un rôle proéminent dans le mouvement rebelle 
ainsi qu'à l'intérieur de certains partis politiques.

Plusieurs de ces milices-connues sous les noms d'Abeilles, Gazelles, Ninjas 
et Panthères-sembleraient avoir reçu l'appui technique de différents 
membres des forces armées nationales pour leur entraînement. Il existe 
aussi d'autres allégations crédibles selon lesquelles certains membres de 
ces milices, en particulier ceux d'origine bété, ont été armés par le 
gouvernement. Pas plus tard qu'en octobre dernier, certains membres de ces 
milices ont attaqué des compagnies d'eau et d'électricité à Abidjan qui 
seraient soupçonnées de fournir leurs services aux régions nord du pays 
actuellement contrôlées par les forces rebelles. Fin octobre, ils ont 
attaqué des distributeurs de journaux ainsi que des kiosques vendant des 
journaux liés aux partis d'opposition, empêchant ainsi de façon temporaire 
la circulation de la presse.

Depuis la fin du conflit en juillet 2003, Human Rights Watch continue de 
recevoir des rapports faisant état de tortures, de détentions arbitraires 
et de " disparitions " perpétrées par des membres des forces de sécurité de 
l'Etat à Abidjan.

Dans le nord de la Côte d'Ivoire, contrôlé par le mouvement rebelle 'Forces 
Nouvelles', il y a eu au cours de ces derniers mois une recrudescence du 
nombre enregistré d'agressions, de viols et de vols apparemment perpétrés 
par des éléments indisciplinés liés aux forces rebelles. Un grand nombre de 
membres des 'Forces Nouvelles' n'a pas été payé puisque la guerre a été 
officiellement déclarée finie.

Human Rights Watch a interpellé le gouvernement ivoirien à fin que celui-ci 
lance une enquête sur le rôle que ces milices ont joué dans les abus envers 
les civils et sur celui des forces de sécurité dans leur soutien aux 
milices, ou tout au moins dans leur manque d'initiative quand à arrêter les 
agissements des milices. Le Président Gbagbo devrait prendre les mesures 
nécessaires pour s'assurer qu'aucuns fonds provenant de son parti ou du 
gouvernement ne soient dirigés vers ces milices, lesquelles devraient être 
dissolues immédiatement. Le gouvernement devrait agir de façon à présenter 
devant la justice les individus soupçonnés d'avoir participé à ces abus.

" Le conflit en Côte d'Ivoire est en parti le produit d'un long climat 
d'impunité dans le pays. Trouver une solution à cette impasse politique 
requière non seulement une participation sérieuse de la communauté 
internationale mais aussi un réel engagement de la part de tous les groupes 
concernés pour mettre fin à ces abus. ", a ajouté Peter Takirambudde.

La Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI) devrait aussi 
accélérer le déploiement, dans l'ensemble du pays, de représentants des 
droits humains de manière à permettre à ces derniers de surveiller la 
situation et de conduire leurs propres enquêtes sur ces abus. D'autre part, 
Human Rights Watch encourage vivement la France ainsi que la Communauté 
Economique des Etats de l'Afrique de L'Ouest (CEDEAO) à assurer la 
protection des civils par un déploiement extensif de leurs forces de 
maintien de la paix dans les régions concernées.

Contexte :

La guerre civile qui aura duré neuf mois en Côte d'Ivoire, a commencé avec 
une rébellion en septembre 2002 et a été officiellement déclarée terminée 
en juillet dernier. Pourtant, l'application des accords de paix 
Linas-Marcoussis, sous l'égide de la France, qui demandaient la formation 
d'un gouvernement de transition ainsi que des élections en 2005, a pour 
tout dire échoué. En septembre, le mouvement rebelle 'Forces Nouvelles' a 
quitté le gouvernement de réconciliation national, soulignant la résistance 
du gouvernement à mettre de bonne foi l'accord en application.

Les milices urbaines et rurales ont joué un rôle de plus en plus important 
depuis le commencement de la guerre civile en septembre 2002: les milices 
civiles prenaient d'assaut les barrages sur les routes principales se 
trouvant dans les régions contrôlées par le gouvernement, vérifiaient 
l'identification des civils, et de façon générale jouaient le rôle 
normalement réservé aux forces en uniforme du gouvernement. A Duékoué, à 
l'ouest du pays, Human Rights Watch a fait état d'exécutions ainsi que 
d'harcèlement envers la population civile en avril par des milices civiles 
agissant en toute impunité et, dans certain cas, avec la collaboration des 
forces de sécurité nationales. A Abidjan, les activités de ces milices ont 
quasiment paralysé le bon fonctionnement de l'ensemble de la ville lors des 
manifestations organisées en janvier par ces dernières contre les accords 
de paix. Pendant ces manifestations, les milices progouvernementales ont 
attaqué des institutions et des entreprises Françaises sans que les forces 
de sécurité de l'état n'interviennent.

Bien qu'un cessez le feu, surveillé par 5.300 hommes des forces de maintien 
de la paix provenant de la France et de la CEDEAO, soit jusqu'à présent 
toujours en vigueur, de nombreux signes troublant laissent à penser que les 
deux côtés du conflit sont à nouveau en train de se préparer à la guerre. 
Les milices joueraient certainement un rôle important dans tout retour à la 
violence. Les pourparlers, sous l'égide de la CEDEAO, ayant pour but de 
mettre fin à cette impasse se sont tenus ce mois-ci, mais n'ont pas réussis 
à réintégrer les rebelles au sein du gouvernement de réconciliation 
national. Pour l'instant, le pays continue d'être séparé en deux, les 
forces rebelles contrôlant la partie nord et le gouvernement tenant le sud.

Des dispositions cruciales, comprises dans les accords de paix de janvier 
proposaient la formation d'une commission nationale des droits humains 
ainsi qu'une enquête internationale sur les abus commis durant le conflit. 
A cette heure, ni la commission ni l'enquête ne se sont matérialisées. 
D'autre dispositions clefs de l'accord de paix-notamment celle sur le 
désarmement, les reformes agraires et les lois sur la nationalité-n'ont pas 
non plus été mises en application.

L'impunité des forces de sécurité de l'Etat qui est non seulement le 
résultat mais aussi la cause de la désintégration de l'état de droit lors 
de ces quatre dernières années, reste un sujet de souci primordiale en Côte 
d'Ivoire.

Depuis 2000, Humann Rights Watch ainsi que d'autres organisations des 
droits humains ont fait état d'une tendance persistante de violations 
graves des droits humains commis par les forces de sécurité de l'état ou en 
complicité avec des milices civiles, dont aucune n'a fait l'objet d'enquêté 
sérieuse ou a été poursuivie par le gouvernement Ivoirien. Pendant les 
violences commises à l'approche les élections présidentielles et 
législatives de l'an 2000, il y a eu bon nombre d'exécutions 
extrajudiciaires ainsi que de nombreuses disparitions, de cas de violence 
sexuelle, et plusieurs centaines de cas de torture commis par les forces du 
gouvernement, souvent en collaboration avec des jeunes militants du parti 
au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien.

Human Rights Watch a fait état des activité d'abus similaires contre des 
Ivoiriens du nord, des étrangers ainsi que des gens soupçonnes d'être des 
sympathisants des mouvements rebelles depuis le début du conflit, le 19 
septembre 2002. Ces violations incluent des attaques systématiques et 
indiscriminées sur des civils, des exécutions sommaires des arrestations et 
détentions arbitraires, des disparitions, tortures, viols et autres actes 
de violence contre les civils.

Pour plus d'informations, se référer aux rapports de Human Rights Watch en 
anglais :

Le nouveau racisme : La manipulation politique de l'ethnicité en Côte 
d'Ivoire (août 2001) à http://www.hrw.org/french/reports/ivorycoast/

Abus commis par le gouvernement en réponse à la révolte de l'armée 
(novembre 2002) à http://www.hrw.org/french/reports/cotdivfr1102/

Prise entre deux guerres : Violence contre les civils dans l'Ouest de la 
Côte d'Ivoire (août 2003) à 
http://www.hrw.org/french/reports/2003/cotedivoire0803/