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Soc.Civ.SudKivu



Bruxelles, 09/09/2000

Aujourd'hui seulement nous recevons par fax copie d'une lettre ouverte 
écrite par la Société Civile du Sud-Kivu à M. Ilunga, président du RCD-Goma.
Ayant repris le fax avec le scanner, il est possible que quelques erreurs 
soient restées dans le texte. Veuillez nous en excuser.
Avant cette lettre, vous trouverez une mise à jour (faite pas MISNA) sur 
l'état des 4 membres de la Société civile arrêtés par le RCD.
PAolo Costantini
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CONGO-DEM.REPUBLIC, 8 SEP 2000 (18:25)
BUKAVU: INQUIETUDE POUR LES REPRESENTANTS DE LA SOCIETE CIVILE DEPORTES A 
KISANGANI
On est inquiet à Bukavu (Kivu du Sud, République Démocratique du Congo) au 
sujet de la santé de Mme Régine Mutijima Bazalake, la représentante de la 
société civile déportée à Kisangani (Province orientale de l'ex- Zaïre). 
Mme Mutijima Bazalake, mère de six enfants, souffre d'une grave forme 
d'hypertension, en dépit de laquelle elle a été arrêtée le 29 août et 
transférée à Goma. Peu après, elle a été emmenée à la prison de Losiyo puis 
dans une habitation privée de Kisangani transformée en lieu de détention. 
Les trois autres représentants de la société civile arrêtés par le Rcd 
(Rassemblement Congolais pour la Démocratie)-Goma en même temps que Mme 
Mutijima Bazalake ont subi le même traitement. Il s'agit de Paulin Bapolisi 
Bahuga, père de 7 enfants, de Gervais Chirhalwirhwa Nkunzimwami, père de 6 
enfants, et d'Aloys Muzalia Wakyebwa, père de 11 enfants. Ils sont tous les 
quatre accusés d'être des "activistes de la société civile" et d'avoir 
"diffamé le Rwanda", pays allié au Rcd-Goma, maître du Sud- Kivu. "Le fait 
de séquestrer des personnes dans des habitations privées est contraire à 
toutes les conventions internationales qui concernent l'argument" a 
expliqué une source à l'agence MISNA. "Cette forme de détention 
s'accompagne souvent, en outre, de conditions hygiéniques et sanitaires 
inférieures à celles d'un pénitencier normal". Les nombreux appels lancés 
en faveur de la libération de ces quatre personnes, au Congo et à 
l'étranger, sont pour l'instant restés lettres mortes. (CC)
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LETTRE OUVERTE ADRESSEE A M. Emile ILUNGA, PRESIDENT DU
RASSEMBLEMENT CONGOLAIS POUR LA DEMOCRATIE A GOMA

Monsieur le Président du R.C.D.,

Lors des échanges que nous avons eus au siège de la Banque du Congo à 
Bukavu, le 22 juillet 2000, nous, membres de la Société Civile du Sud-Kivu 
avons eu l'honneur de porter à votre connaissance de nombreux problèmes qui 
rendent la vie encore plus difficile chez nous du fait de la guerre.

Nous espérions obtenir de votre part, si pas des réponses définitives à nos 
questions, du moins des pistes de solutions, mais contrairement à toute 
attente, le mouvement que vous dirigez a choisi la voie de la violence en 
arrêtant les animateurs de notre Société Civile. Aussi, ne pouvons-nous 
plus attendre les réponses que vous nous aviez promises car le contexte ne 
s'y prête plus.

Le plan de morcellement de notre pays maintes fois dénoncé est arrivé 
actuellement à sa phase de décapitation des instances et des structures 
pouvant mobiliser les populations.

Hier, c'était le tour de l'Eglise catholique avec la relégation loin de son 
diocèse de Son E. Mgr l'Archevêque de Bukavu Emmanuel KATALIKO. Celui-ci 
avait succédé à son E. Mgr MUNZIHIRWA qui fut abattu dans cette même 
logique de décapitation de structures... Aujourd'hui, c'est le tour de la 
Société Civile du Sud-Kivu. Pour preuve, toutes les menaces et 
intimidations dont ses acteurs sont l'objet.

Depuis le 02 Août 1998, l'Est de notre pays, la République Démocratique du 
Congo est sous une occupation étrangère qui se cache sous des visages 
multiples.


CAS DE LA REBELLION DE L'EST DU CONGO

Les protagonistes de notre crise ont eu beau jouer à la rébellion pour 
couvrir et faire perdurer l'agression, aujourd'hui, tout est heureusement 
étalé au grand jour. Que les Congolais du RCD militent plus pour la 
sécurité du Rwanda que pour celle de leur propre patrie mise en mal par des 
armées régulières du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda, montre bien que la 
rébellion ne sert que de prétexte.

Nos compatriotes congolais, membres du R.C.D., sont pourtant témoins 
directs des massacres et des violations dont leurs frères sont victimes. 
Nous avons encore frais à la mémoire le cas des 1050 tués de Kasika, les 
quinze femmes enterrées vivantes à Mwenga, les 804 tués de Makobola et plus 
de 700 autres à Kisangani. D'autres milliers de compatriotes ont perdu la 
vie dans l'anonymat de la forêt équatoriale dans l'indifférence générale de 
la Communauté internationale


DE LA POURSUITE DES INTERAHAMWE

Six ans après le génocide rwandais, le concept "Interahamwe" sert encore de 
prétexte à toutes les incursions sur notre territoire national. En effet, 
les alliés du R.C.D. (Rwanda, Ouganda et Burundi) ont eu depuis octobre 
1996 toutes les libertés de manoeuvre pour sécuriser leurs frontières. Mais 
malgré cela, nos populations, surtout en milieu rural, continuent à 
connaître des incursions meurtrières des hommes en armes que le R.C.D. 
appelle Interahamwe. Les populations congolaises se demandent si les alliés 
du R.C.D. veulent vraiment en finir avec ces milices, auquel cas ils 
emploieraient tous les moyens à leur disposition pour les anéantir, ou 
s'ils les ménagent pour avoir toujours le prétexte de droit de poursuite 
justifiant aux yeux de la Communauté internationale leur présence en R.D.C.

Plus, plusieurs témoignages concordants affirment que des réfugiés rwandais 
bien rapatrié dans leur pays sous les auspices du H.C.R. ont été reconnus 
par les populations congolaises dans les bandes des pillards qui ravagent 
notre territoire.

De deux choses l'une : ou il s'agit des Rwandais qui sont chez nous parce 
que le contrôle aux frontières de leur pays n'a pas été assez efficace pour 
les empêcher de venir semer la désolation chez nous ou il s'agit des 
personnes ramenées délibérément chez nous pour semer la confusion et 
justifier pour de longues années encore la thèse du droit de poursuite. Et 
dans les deux cas, la responsabilité incombe aux alliés du R.C.D.

Profitant de cette confusion, le R.C.D. se débarrasse facilement de tous 
ceux qui ne pensent pas comme lui car le motif est tout trouvé: ils sont, 
soit des alliés de KABILA, soit ceux des interahamwe.


DE LA «LOCAL DEFENSE»

L'exemple du Rwanda devrait mettre en garde le R.C.D. contre la création 
des milices, quelle que soit la noblesse de raisons évoquées pour cette 
fin. Le génocide rwandais n'aurait peut-être pas été possible si le pouvoir 
d'Habyarimana n'avait pas cru bien faire un jour en créant la milice 
Interahamwe.

Sans être des prophètes de malheur, nous pouvons néanmoins affirmer que les 
risques de dérapages sont énormes quand le R.C.D. met des armes entre les 
mains des civils après un entraînement expéditif.

Que de vieux sages de Kabare et de Walungu, se soit opposés à cette 
initiative montre que nos craintes sont justifiées et partagées.

En créant la «local defense», le R.C.D. prend devant l'histoire une grave 
décision dont il assumera seul les conséquences.


DU FEDERALISME

On ne décrète pas une organisation de la cité. On consulte le peuple qui 
seul choisit la forme de l'Etat dans lequel il veut vivre.

Que la Conférence Nationale Souveraine et la Consultation Nationale se 
soient prononcées clairement pour le fédéralisme, n'autorise en aucun cas 
que l'étape fondamentale que constitue le référendum soit occultée. Le 
décret 026/2000 signé par le Président du R.C.D. au mois d'août dernier 
instaurant le fédéralisme comme forme d'Etat est donc sans base 
constitutionnelle. La précipitation avec laquelle le R.C.D. veut régler une 
question aussi capitale que celle-là conforte la thèse de plus en plus 
répandue selon laquelle ce fédéralisme n'est qu'une couverture pour cacher 
la sécession qui ne veut pas dire son nom



DE LA RECHERCHE EFFREINEE DE L'ARGENT

1.	Le R.C.D. vient de créer deux taxes à côté de la traditionnelle taxe de 
voirie. Il s'agit du «péage route» et de «la taxe de réhabilitation de la 
voirie». Grand donc a été notre étonnement de voir le R.C.D. procéder en 
même temps à la liquidation, au bénéfice des pays voisins, des engins de 
l'Office des routes et de l'AMSAR/SEAZA, outils susceptibles de l'aider à 
réaliser les travaux pour lesquels il a été créé les nouvelles sources de 
revenus. Cette liquidation va-t-elle seulement s'arrêter à ces deux 
entreprises d'ailleurs?

2.	Bukavu-la belle a été horriblement mutilée par le morcellement des 
parcelles de l'Etat dans ce qui est communément appelé ici "ville". En même 
temps, le R.C.D. procédait à un nouveau lotissement à Hongo, dans le 
Territoire de Kabare et à Panzi, dans la Commune d'Ibanda. Etait-il donc 
nécessaire d'enlaidir notre ville quand il y avait encore tant de terrains 
disponibles ailleurs?

3.	La surtaxation du secteur informel en une période de basse conjoncture 
économique asphyxie les plus petits et de ce fait les paupérise davantage. 
L'indexation de factures d'eau et d'électricité au dollar américain, quand 
le RCD faillit lamentablement à sa mission de payer les fonctionnaires leur 
salaire, obéit à la même logique.


DES ARRESTATIONS ARBITRAIRES

Madame Régine MUTIJIMA, Mr.s Gervais CHIRHALWIRA, Paulin BAPOLISI et Aloys 
MUZALIA ont été arrêtés après deux longs mois de persécution depuis que les 
services de sécurité du R.C.D. ont eu vent de leur nomination à l'Assemblée 
Constituante. En effet, ces quatre personnes ont subi plusieurs 
interrogatoires serrés enregistrés à leur insu et utilisés contre eux lors 
des émissions radiodiffusées. En dehors de ces tortures morales, ces quatre 
personnes ont été meurtries dans leur chair parce qu'elles ont été battues 
lors de leur arrestation au Camp militaire Saïo de Bukavu le 28 août 2000.

Si leur arrestation arbitraire constitue déjà une violation grave de leur 
droit à la liberté, si la bastonnade qu'ils ont subie est une injure à leur 
dignité d'hommes et à leurs statuts de formateurs de la jeunesse, le fait 
qu'on ait changé à plusieurs reprises leur lieu de détention démontre 
manifestement que les autorités du R.C.D. cherchent à brouiller toutes les 
pistes permettant de les localiser.

Et quand les médias étrangers affirment que les quatre personnes seraient 
détenues à Osio, dans le Territoire d'Opala, en Province Orientale, tous 
ceux qui connaissent bien la géographie de la République Démocratique du 
Congo et les limites actuelles des fronts, se rendent vite compte que ces 
civils se trouvent placés dangereusement sur le terrain des opérations 
militaires. De là à ce qu'on apprenne demain qu'ils ont péri lors des 
affrontements entre les forces en conflit, le pas pourrait vite être franchi.

Le drame vécu par Paulin BAPOLISI Bahuga, Gervais CHIRHALWIRWA, Aloys 
MUZALIA Wakyebwa et Madame Régine MUTIJIMA Bazalake, risque de s'étendre 
très bientôt à d'autres membres de la Société Civile du Sud-Kivu. Une liste 
des animateurs de la Société Civile déjà identifiés existerait au Service 
de Renseignements du R.C.D. Elle ne serait d'ailleurs pas exhaustive. La 
chasse à l'homme est donc ouverte.


DE L'ATTENTAT DU SAMEDI 26 AOUT 2000 A LA KERMESSE.

La Société Civile du Sud-Kivu pleure encore aujourd'hui les huit personnes 
qui ont perdu leur vie au cours de l'attentat meurtrier de la nuit du 26 
août 2000. Des dizaines d'autres ont été blessées, certaines grièvement, et 
des biens ont été emportés lors du pillage qui a suivi l'attentat. 
Pourtant, à voir le nombre d'agents de l'ordre déployés sur le site de la 
kermesse, personne ne se serait attendu à une telle catastrophe. En 
réagissant à chaud sur le drame, le Gouverneur de Province du Sud-Kivu 
avait déclaré:  «... ces actes ignobles ne sont pas dans les habitudes 
d'ici chez nous (...); ce sont ces gens qui ont importé la culture de 
violence». Qui sont-ils ces gens qui ne sont pas d'ici et qui nous ont 
apporté la culture de violence?

Quelques jours après, ce fait crapuleux a été attribué aux animateurs de la 
Société Civile. Pourtant le R.C.D. sait très bien que le choix pris par la 
Société Civile du Sud-Kivu a toujours été celui de la lutte non-violente.

	Compte tenu de ce qui précède, la Société Civile du Sud-Kivu :

1.	Exige au sujet de l'attentant du 26 août 2000
	-	la libération immédiate et sans condition de ses quatre
		membres et le retour immédiat au sein de leurs familles
		respectives ;
	-	l'ouverture d'une enquête indépendante qui devrait partir
		des équipes des agents de sécurité affectés à la kermesse
		ce soir-là, des agents de la Société Nationale
		d'électricité chargés de la maintenance, des locataires
		des stands touchés par l'explosion;

2.	Déplore
	-	Le fait que le lieu de l'attentat n'ait pas été quadrillé
		par les forces de l'ordre juste après l'explosion afin de
		uper la voie à des suspects qui tenteraient de
		échapper.
	-	La précipitation avec laquelle ont été démontés les
		stands de la kermesse avant qu'une enquête sérieuse n'ait
		été menée sur le lieu.
	-	L'amalgame opéré par le R.C.D. entre l'attentat et la
		nomination de quatre membres de la Société Civile du Sud-
		Kivu à l'Assemblée Constituante.
	-	L'arrestation puis l'éloignement qui ont suivi témoignent
		à suffisance le caractère arbitraire des poursuites dont
		les 4 infortunés sont victimes.

3.	Condamne :
	-	L'attentat meurtrier du samedi 26 août 2000 contre des
		populations civiles et le recours à la violence aveugle.
	-	L'habitude du R.C.D. consistant à chercher des boucs
		émissaires au sein de Société Civile chaque fois qu'il
		est confronté à des difficultés.


S'agissant de la Rébellion :

La Société Civile du Sud-Kivu se félicite du fait que le Conseil de 
Sécurité des Nations Unies de part ses résolutions 1234, 1291, et 1304 ait 
enfin reconnu avec elle l'agression dont la République Démocratique du 
Congo est victime de la part de ses voisins. Elle en appelle à la 
conscience patriotique de nos frères congolais encore membres du R.C.D., à 
se désolidariser avec les troupes étrangères d'occupation, afin de 
permettre à l'ONU d'appliquer les résolutions déjà votées et de permettre à 
la population de recouvrer la paix tant recherchée.


S'agissant de la poursuite des Interahamwe :

La Société Civile déplore le fait que la poursuite des Interahamwe sur le 
territoire congolais occasionne les massacres de la population civile 
congolaise. Elle demande la présence des forces de la Monuc dans les 
territoires sous occupation étrangère(à défaut d'une force d'imposition de 
la paix) pour la sécurité des populations civiles.


S'agissant de la «local défense» :

La Société Civile condamne le choix du R.C.D. consistant à armer des civils 
car l'expérience vécue ailleurs a montré que cette pratique a compromis 
davantage la paix au lieu de la construire. Elle exige par conséquent la 
suppression pure et simple de cette local défense».


S'agissant du fédéralisme :

La Société Civile invite le R.C.D. à surseoir son projet de fédéralisme en 
attendant que notre pays retrouve son intégrité territoriale et sa 
souveraineté ; aller outre serait proclamer solennellement la sécession.

S'agissant de la recherche effrénée de l'argent :

Trop de taxes tuent la taxe», c'est pourquoi la Société Civile condamne:
	-	l'ambition du R.C.D. de vouloir maximiser ses recettes
		dans une économie paralysée par la guerre ;
	-	le bradage du patrimoine de l'Etat et des sociétés
		privées.

Elle exige l'arrêt de la taxe de péage route et la taxe de la 
réhabilitation de la voirie car les sommes ainsi perçues ne servent pas aux 
causes avouées, au contraire, elles ont un effet d'entraînement pervers, 
entre autres sur les prix des denrées alimentaires.

La Société Civile du Sud-Kivu vous prie d'agréer, Monsieur le Président du 
Rassemblement Congolais pour la Démocratie, l'expression de sa 
considération distinguée.

	Fait à Bukavu le 2 septembre 2000

	Pour la Société Civile du Sud-Kivu
	(suivent 13 noms et signatures)

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Distibué par anb-bia bruxelles
Le 9 septembre 2000