22ème Commémoration de la mort de Thomas SANKARA et initiative de la Campagne Internationale Justice pour SANKARA



 

22ème Commémoration de la mort de Thomas SANKARA et initiative de la Campagne Internationale Justice pour SANKARA

 Le 15 Octobre 2009 marque la 22ème Commémoration de l’assassinat du capitaine Thomas SANKARA, premier Président du Burkina Faso.

 

L’assassinat de SANKARA, en compagnie d’une douzaine de ses camarades, et la série de crimes politiques qui s’y sont poursuivis, ont clos de façon sanglante une des dernières expériences révolutionnaires en Afrique. En cette période de crise économique, financière alimentaire, environnementale caractérisée par l’instabilité politique et le bradage des ressources du continent africain,  le développement autocentré  et le panafricanisme de Sankara s’avèrent plus que d’actualité. Le peuple du Burkina, la population africaine et la communauté internationale attendent toujours de connaître les circonstances de cet assassinat et leur (s) responsable (s).

 L’impunité érigée en système au Burkina a été ébranlée par douze années d’efforts de la CIJS (Campagne Internationale Justice pour SANKARA) et de pugnacité du peuple Burkinabé. On se souvient qu’après avoir épuisé tous les recours juridiques au Burkina Faso, son Collectif juridique avait porté l’affaire devant le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU. Ce dernier avait crée un précédent en Afrique et au sein de l’ONU en reconnaissant les violations de l’État parti :

 « le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas SANKARA, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non-rectification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain à l'égard de Mme SANKARA et ses fils, contraire à l’article 7 du Pacte (par. 12.2). La famille de Thomas SANKARA a le droit de connaître les circonstances de sa mort (…). Le Comité considère que le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas SANKARA, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non-rectification de l'acte de décès constituent un traitement inhumain à l'égard de Mme SANKARA et ses fils..»  et par. 12.6. … le Comité considère que, contrairement aux arguments de l'Etat partie, aucune prescription ne saurait rendre caduque l'action devant le juge militaire, et dès lors la non-dénoncation de l'affaire auprès du Ministre de la défense revient au Procureur, seul habilité à le faire... »

Cependant le Comité des Droits de l’Homme ne retenait pas expressément le droit d’enquête, mais exigeait une compensation financière et une reconnaissance du lieu de sépulture. Paradoxalement le Burkina Faso n’a apporté aucune preuve pour justifier le lieu de sépulture. La somme offerte en indemnisation à la famille totalisait  43 445 000 Francs CFA, soit 66 231,475 Euros, ou 65 000$, à peine équivalente à la somme de liquidation de la pension de feu Sankara à ses ayants-droits.  Certains des experts se sont trompés dans la conversion en ajoutant un zéro à l’indemnité (soit 650 000 $ - 434 450 000 FCFA), alors que d’autres considéraient que l’État-partie faisait montre de beaucoup d’effort en rayant le mot « naturelle » du faux certificat de décès qui prétendait le Président SANKARA était décédé de mort naturelle.  Malgré la rectification du chiffre par les Avocats et l’évidence que le pèlerinage des Sankaristes au cimetière devant des tombes présumées ne pouvait servir de preuve, le Comité des Droits de l’Homme a déclaré être satisfait en avril 2008 « aux fins du suivi de ses constatations et – qu’il n’a pas l’intention d’examiner cette question plus en avant au titre de la procédure de suivi ».

Mais la CIJS poursuit sa lutte contre l’impunité d‘autant plus que le Burkina Faso a continué à accumuler d’autres violations, passibles de poursuites, tandis que de nouvelles révélations de protagonistes de ces sinistres événements auraient dû l’amener à ouvrir une enquête ou à tout le moins, à enfin donner officiellement sa version des faits. En effet dans des révélations inédites corroborant les propos du Général Tarnue, déjà assignés en preuve par la CIJS, le sénateur Johnson du Libéria, devant la Commission de Réconciliation, a imputé le meurtre de SANKARA au Président COMPAORE et son régime et aux connivences avec l’ex-Président Taylor. Ce dernier, contre-interrogé au Tribunal Pénal de La Haye  le 25 août 2009 (page 27602), a nié en alléguant qu’il était en ce moment là aux arrêts au Ghana, mais se fourvoie sur la culpabilité de COMPAORE dans son interrogatoire, avant de  se rétracter  (j’étais encore enfermé en prison quand Blaise COMPAORE les a tués - I was still locked up in jail when Blaise Compaore killed all - during the killing of Thomas SANKARA, because I can't say he killed, but he didn't do it himself. I was in prison in Ghana…) http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=prr6j5%2bbmsc%3d&tabid=160 

Dans un documentaire de la RAI, « Ombre Africane »:

http://www.youtube.com/watch?v=ChDY4zbMHes&eurl=http://www.youtube.com/user/lhommeintegre&feature=player_profilepage#t=22

un autre libérien, le Général Momo Jiba, qui fut garde du corps de Blaise COMPAORE abonde dans le sens de Tarnue et de Johnson, apportant des éclairages inédits sur l’assassinat de Thomas SANKARA. Il prétend, devant une caméra cachée, avoir assisté au meurtre et surtout que le Président COMPAORE a fait feu personnellement sur Sankara et que ce coup d’État est un complot international ayant même  bénéficié de l’appui de la CIA. Un autre journaliste, Keith Harmon SNOW, dans une entrevue avec Norbert ZONGO son collègue depuis assassiné par le régime COMPAORE,  avait aussi rapporté  l’implication du Mossad et de la CIA dans cet assassinat.  http://www.allthingspass.com/journalism.php?jid=4

Tous ces témoins disent craindre pour leur vie et refusent de donner plus de détails sur cette affaire. Cette dernière, plus que jamais, plaide pour que les pays impliqués déclassifient leurs archives, que les témoins dévoilent leur version afin que la vérité soit connue et que les burkinabés puissent tourner la page de l’impunité.

Le Président Blaise COMPAORE, responsable présumé de ces assassinats a été récemment nommé Médiateur de la crise en Guinée après la sanglante répression de manifestants. Au micro de RFI, il déclare sans ciller :

« Nous ne devons pas tolérer en Guinée qu’il y ait encore des discussions sur des personnes disparues dont on ne retrouve pas les corps » http://www.rfi.fr/actufr/articles/118/article_85342.asp.

Pourtant le corps de Thomas SANKARA n’a jamais été retrouvé, et c’est pourquoi une plainte pour séquestration avait été introduite par Maître Dieudonné NKOUNKOU, Avocat au Barreau de Montpellier et depuis lors demeure sans réponse des autorités judiciaires au Burkina Faso.

Le Collectif de la CIJS[1] ( Maîtres Nargess Tavassolian, Aïssata Tall Sall, Jean Abessolo,  Catherine Gauvreau, Charles Roach, Dieudonné Nkounkou, Gaston Gramajo, Ferdinand Djammen Nzépa, John Philpot, Vincent Valai, Neda Esmailzadeh, Patricia Harewood, William Sloan et le Cabinet SANKARA.) ainsi que la famille SANKARA, s’en référant à la décision onusienne, veulent savoir si le caveau érigé par l’État Burkinabé est bien le celui du Capitaine Thomas SANKARA. C’est la raison pour laquelle, ce 15 Octobre 2009, le Collectif, représenté par Me DJAMMEN NZÉPA, Avocat au Barreau de Toulouse,  va introduire une procédure judiciaire aux fins d’expertise des empreintes génétiques du corps présumé de ladite sépulture, à l’effet de les comparer à celles prélevées aux deux enfants SANKARA.

 Dans une note de remerciements au GRILA et aux Avocats, Mariam SANKARA, veuve de Thomas SANKARA a déclaré : « Vous êtes les pionniers de la défense de la mémoire de mon époux. Si beaucoup d’autres ont repris le flambeau, c’est grâce à vous. Vous avez le mérite et le courage d’avoir porté ma quête de vérité sur l’assassinat de Thomas SANKARA… ». Cette phrase de SENEQUE l’illustre : « Ce n’est pas parce que c’est difficile que l’on n’ose pas. C’est parce que l’on n’ose pas que c’est difficile ».

Dans un message adressé à son peuple à l’occasion de la 22 ème commémoration, Mariam SANKARA, reprenant l’adage populaire « Quelque soit la longueur de la nuit, le jour apparaîtra » en appelle, à l’unité, à la résistance et à la détermination en rappelant combien le message et l’objectif de SANKARA restent actuels. Récemment,, en prévision du Sommet Afrique-Amérique latine, le Président Hugo CHAVEZ du Venezuela l’a illustré en citant longuement Thomas SANKARA dans son discours de 1984 afin de galvaniser ses hôtes africains et promouvoir l’expérience bolivarienne :

« Nous pourrions chercher des formes d’organisation meilleures, plus adaptées à notre civilisation, en rejetant de manière claire et définitive toute forme d’impositions externes, pour créer des conditions dignes, à la hauteur de nos ambitions. En finir avec la survie, nous libérer des pressions, libérer notre campagne de l’immobilisme médiéval, démocratiser notre société, éveiller les esprits à un univers de responsabilité collective, pour oser inventer le futur ».

Ce combat, le peuple burkinabé l’a compris et il peut être assuré du soutien indéfectible de la CIJS car comme Thomas SANKARA le disait : là où s’abat le découragement, s’élève la victoire des persévérants !

 


[1] Collectif Juridique de la CIJS : Maîtres Nargess Tavassolian, Aïssata Tall Sall, Jean Abessolo,  Catherine Gauvreau, Charles Roach, Dieudonné Nkounkou, Gaston Gramajo, Ferdinand Djammen Nzépa, John Philpot, Vincent Valai, Neda Esmailzadeh, Patricia Harewood, William Sloan et le Cabinet SANKARA.