Assassinat d'un homme de paix



Reggio Emilia, 30/12/2004 - 23:30
Ho ricevuto da Kinshasa questa bella testimonianza sulla personalità del Nunzio apostolico in Burundi. Ve la trasmetto certo di farvi piacere e scusandomi per il testo in francese.
Paolo Costantini
ex anb-bia
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Kinshasa, le 30 décembre 2003

Assassinat d'un homme de paix

Je suis encore sous le coup de la nouvelle que je viens d'entendre à la radio : Mgr Michael Courtney, Nonce Apostolique au Burundi, est mort hier lundi à conséquence des tirs adressés contre sa voiture à 40 km de Bujumbura. Je me demande ce qui a pu arriver à Djuma, le fidèle chauffeur de la Nonciature de beaucoup d'années. Autant le Président de la République que Pierre Nkurunziza, ancien chef du groupe armé FDD et maintenant Ministre d'Etat, ont lamenté l'événement et ont fait l'éloge du représentant du Pape.

J'ai eu la chance de connaître Mgr Courtney dans des circonstances assez extraordinaires. C'était un homme courageux, engagé dans le travail difficile de faciliter les négociations de paix du Burundi, un pays qui est en guerre civile depuis plus de dix ans. Maintenant qu'il vient de payer avec sa vie ses efforts pour la paix, je veux évoquer les journées intenses que j'ai vécues avec lui lors de la prise d'otage de l'Evêque de Ruyigi.

C'était en mai 2002. Les rebelles du FDD avaient pris comme otages Mgr Joseph Nduhirubusa et son chauffeur, après avoir tué les deux gendarmes qui leur faisaient escorte. On savait que les otages avaient été amenés dans les hauteurs de la forêt de la Kibira mais on ne connaissait pas leur sort.

En tant que Service Jésuite aux Réfugiés (JRS), nous nous sommes mis en contact avec l'Evêque de Bujumbura et le Nonce Apostolique pour leur manifester notre souci et notre désir d'aider à la libération dans la mesure de nos possibilités.

Michael Courtney était inquiet. Il se souvenait comment les rebelles avaient assassiné l'Evêque de Gitega en 1996 et il craignait pour la vie du prélat et son chauffeur. Il nous a demandé de chercher un moyen d'entrer en communication avec les rebelles par voie téléphonique, ce que nous avons pu lui faciliter.

Le lundi 20 mai est passé en contacts téléphoniques avec les rebelles au bout desquels le Coronel Manassé Nzobonimpa, Chef FDD de la Zone de la Kibira, a assuré que les otages étaient vivants et qu'il était prêt à les livrer au Nonce pourvu que les forces sudafricaines présentes dans le pays garantissent la sécurité des rebelles qui procéderaient à la livraison.

Le nonce nous a demandé de l'accompagner dans les négociations. Le mardi matin, le Chef de la Mission sud-africaine s'est rendu à la Nonciature pour dire que ses soldats ne participeraient pas à l'opération. C'était quelque chose en dehors de leur mandat. Mgr Courtney s'est tourné vers la Croix Rouge Internationale, mais cet organisme a répondu en posant des conditions quasiment impossibles : ils exigeaient que la livraison soit faite en dehors de ce qui pour eux était " zone rouge ". Or, toute la forêt de la Kibira (provinces de Bubanza, Cibitoke, Muramvya et Bujumbura Rurale) est en zone rouge. Cette condition supposait pour Mgr Joseph un déplacement à pied supérieur à ses forces et pour les miliciens FDD un risque qu'ils n'accepteraient pas.

C'est alors que Michael Courtney a laissé monter en lui son sang irlandais : puisqu'il n'y avait que des réponses négatives, la libération serait une entreprise purement catholique. Il est parvenu à entrer en contact par téléphone avec Pierre Nkurunziza qui a accepté que l'Evêque de Bubanza soit intermédiaire dans la livraison. Jeudi on ferait savoir à ce prélat le lieu et l'heure de la livraison de l'Evêque. CRS (Catholic Relief Services) a accepté de mettre à la disposition du Nonce une voiture blindée et son chauffeur Salvator.

Mercredi après-midi nous sommes partis pour Bubanza conduits par Djuma dans la voiture où hier le Nonce a été blessé à mort. Salvator nous suivait dans le blindé.

Après une nuit plutôt inquiète dans la maison de l'Evêque de Bubanza, nous avons quitté cette petite ville accompagnés par l'Evêque. L'heure fixée par les rebelles était dix heures moins vingt, le lieu un grand arbre proche de Mitakataka, le village du Coronel Manassé.

Les moyens de communication avaient eu vent du rendez-vous et ils étaient abondamment représentés. L'armée a respecté la trêve négociée préalablement par le Nonce avec le Président de la République.

La cérémonie a été solennelle, accompagnée de discours et de signatures. L'Evêque se trouvait en bonne santé bien qu'à bout de forces et très sale.

A l'arrivée à la Nonciature, où les Evêques du Burundi attendaient leur collègue, Michael Courtney a posé un autre geste bien irlandais : déboucher les bouteilles de champagne qui étaient dans sa cave.

Nous pleurons aujourd'hui la mort de cet homme. Je l'ai connu comme quelqu'un qui ignorait la peur et qui n'hésitait pas à risquer sa vie quand il s'agissait de régler des conflits. Hier au Burundi, ce pays torturé par la violence, les ennemis de la paix ont gagné un point. Les personnes de paix, de leur côté, peuvent s'inspirer d'un nouvel exemple.

		Kinshasa, le 30 décembre 2003
		Joaquín Ciervide sj
		Directeur Régional JRS Grands Lacs
		Bujumbura, Burundi