Congo : la guerre est internationale, pas locale



From: "Human Rights Watch" <hrw-communiques at topica.email-publisher.com>
To: <lu-sa at mail.clio.it>
Sent: Tuesday, July 08, 2003 12:33 AM
Subject: Congo : la guerre est internationale, pas locale

Congo : la guerre est internationale, pas locale
Un nouveau rapport apporte des informations sur les rôles joués par chacun
au-delà des conflits ethniques

(New York, 8 juillet 2003) La guerre au Congo a été décrite par erreur comme
une rivalité ethnique locale alors qu'elle constitue en fait une lutte en
cours pour le pouvoir, aux niveaux national et international, a déclaré
Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 57 pages intitulé " Couvert de sang : violence ciblée sur
certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC " apporte des preuves selon
lesquelles les combattants dans la région de l'Ituri, au Nord-Est de la
République Démocratique du Congo (RDC) ont massacré quelque cinq mille
civils, l'année dernière à cause de leur appartenance ethnique. Cependant,
les combattants sont armés et reçoivent souvent leurs ordres des
gouvernements de la RDC, du Rwanda et de l'Ouganda.

Un certain nombre de traités et de cessez-le-feu, le plus récent signé par
le Burundi le 19 juin, sont censés avoir mis un terme au conflit entre les
gouvernements de l'Ouganda, du Rwanda et de la RDC ainsi qu'avec les
mouvements rebelles congolais qui se préparent à partager le pouvoir avec le
gouvernement de Kinshasa. Mais les acteurs de rang inférieur - souvent
mandataires des acteurs principaux - poursuivent la guerre.

" Les accords entre les gouvernements ne sont pas bons à grand chose quand
les armées des gouvernements se contentent de passer leurs armes à des
milices locales, " a déclaré Alison Des Forges, conseillère à la division
Afrique de Human Rights Watch. " Il n'y aura pas de solution à la crise du
Congo si tous les niveaux du conflit ne sont pas abordés. "

La majorité de la population en Ituri n'est ni hema, ni lendu, les deux
groupes ethniques dont les milices sont responsables d'une bonne partie de
la violence actuelle. Mais tous les habitants de l'Ituri ont été forcés de
choisir un camp et sont soumis à des attaques parce qu'on les pense associés
soit aux Hema, soit aux Lendu.

Au cours des derniers mois, les personnes travaillant sur les droits humains
n'ont pas eu accès aux zones rurales de l'Ituri, ni n'ont été en mesure de
fournir des informations sur des massacres spécifiques de civils. Cependant,
le rapport de Human Rights Watch qui couvre les événements des 12 derniers
mois apporte des preuves, entre autres, d'un massacre de civils à Nyakunde,
début septembre 2002 au cours duquel des combattants lendus ont massacré
environ 1 200 personnes du groupe ethnique hema et de groupes apparentés.
Sur une période de dix jours, les tueurs ont fait sortir les gens de chez
eux de force et assassiné des patients dans leur lit, dans un hôpital géré
par des services missionnaires. Selon les recherches de Human Rights Watch,
le massacre de Nyakunde aurait fait considérablement plus de victimes que
cela n'avait été envisagé initialement.

L'Ouganda a occupé l'Ituri, une région riche en ressources minières et une
importante réserve potentielle de pétrole, de 1998 à mai 2003 lorsque
l'Ouganda a retiré ses troupes suite à de fortes pressions internationales.
Au cours de cette occupation, les soldats ougandais ont fourni des armes et
une formation militaire à différents groupes ethniques, favorisant la
propagation d'une dispute initialement limitée, entre les Hema et les Lendu
sur des questions foncières.

Le gouvernement de la RDC soutient et arme le Rassemblement Congolais pour
la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML) qui s'est souvent associé
dans le combat à la milice des Lendu et des Ngiti qui leur sont apparentés.
Le Rwanda apporte son appui au RCD-Goma, un mouvement qui a fait scission du
RCD-ML, qui fournit une aide à l'Union des Patriotes Congolais (UPC), une
milice hema qui a récemment contrôlé la ville de Bunia en Ituri.

Le rapport de Human Rights Watch détaille comment les combattants ont
torturé et sommairement exécuté des opposants politiques et violé des femmes
de groupes ethniques adverses. Ils se sont également livrés à des actes
inhumains comme la mutilation de corps et le cannibalisme.

" Les morts violentes sont maintenant un phénomène quotidien en Ituri, " a
déclaré Des Forges. " Les tueurs ont eu recours au cannibalisme pour
terroriser les gens qu'ils veulent contrôler. "

Le rapport de Human Rights Watch accuse tous les groupes d'avoir recruté des
enfants, certains âgés de sept ans seulement, pour des services militaires.
Des observateurs locaux décrivent les forces belligérantes comme des "
armées d'enfants ".

Les milices ont contraint environ un demi-million de personnes à quitter
leur domicile et ont pillé et brûlé les maisons. Pour affaiblir leurs
ennemis, les diverses milices ont empêché la livraison de nourriture ou
d'autres formes d'aide humanitaire aux personnes déplacées et à ceux qui
étaient dans le besoin, augmentant de façon incommensurable le nombre de
civils tués à cause de la guerre. Au cours des derniers mois, trente cas au
moins font état de menaces, coups et expulsions de travailleurs
humanitaires.

Une mission d'observation des Nations Unies en République Démocratique du
Congo (MONUC), présente essentiellement pour surveiller les dispositions de
cessez-le-feu, n'avait ni le mandat, ni les effectifs et l'équipement
nécessaires à la protection des civils.

Après le massacre de centaines de civils, début mai à Bunia par la milice
hema UPC, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a autorisé une Force
Multinationale Intérimaire d'Urgence pour restaurer l'ordre dans la ville.
La Force multinationale, composée essentiellement de soldats français, a été
la première mission jamais déployée par l'Union Européenne. Elle a réussi à
faire cesser les tueries dans Bunia mais sa mission doit se terminer en
septembre.

En septembre, la force des Nations Unies, renforcée de plusieurs milliers de
soldats, sera la seule force internationale présente en RDC. Le Conseil de
Sécurité va bientôt envisager la taille et le mandat de cette force.

" Le Conseil de Sécurité doit s'assurer que les civils à Bunia et ailleurs
seront protégés après le départ de la force intérimaire, " a déclaré Des
Forges. " Le Conseil de Sécurité doit fournir les forces de maintien de la
paix et le mandat nécessaire pour prévenir d'autres tueries ethniques. "

ITURI : "COUVERT DE SANG"
Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC
http://www.hrw.org/french/reports/2003/ituri0703/