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Rwand/Islam



Veuillez trouver ci-dessous:

DOC. Nr 1: copie d'un article paru dans <Actualité des Religions>, France, 
n.19 - septembre 2000

et

DOC. Nr 2: les précisions envoyées à l'auteur de l'article par Henri 
Blanchard, curé à Nyamirambo (Rwanda)

Paolo anb-bia
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DOC. Nr 1
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RWANDA - EN TOUTE CHARITE MUSULMANE

Certains chrétiens rwandais se convertissent à l'islam en raison de 
l'attitude exemplaire des musulmans du cru...

Par Richard Werly

Six ans après le génocide, la seule évocation des massacres leur arrache 
encore des larmes de douleur. Ali Kayiranga et Zuena Uwimana sont tous deux 
d'ethnie tutsie. L'un et l'autre ont vu, comme des dizaines de milliers de 
Rwandais  pris dans le maelström de la folie ethnique, périr sous leurs 
yeux des membres de leur famille. Mais ni Ali ni Zuena n'auraient pu croire 
que cela se passerait comme ça dans la chapelle où ces deux jeunes Rwandais 
avaient l'habitude de venir prier. Et avec la complicité du prêtre de la 
paroisse, un allié des extrémistes hutus, qui n'hésita pas, en avril 1994, 
à jeter ses fidèles tutsis dans les griffes de la mort, avant de s'exiler 
dans l'ex-Zaïre. Bons catholiques, élevés de manière très religieuse par 
une mère veuve, cuisinière dans un couvent de soeurs dominicaines, les deux 
amis d'enfance ne se sont jamais remis de cette terrible épreuve. Avoir vu 
leurs cousins massacrés à coups de machettes par d'autres paroissiens les a 
définitivement éloignés du Christ, des évangiles et des Eglises: " Nous 
avons regardé autour de nous, dans notre quartier de Nyamirembo - un 
faubourg central de Kigali, théâtre d'affreuses tueries - explique Ali, 
baptisé autrefois sous le nom de Martin. Les seuls à ne pas s'entre-tuer 
étaient les musulmans. Dans la mosquée, des centaines de Tutsis avaient 
trouvé refuge et bénéficiaient de la protection de leurs frères hutus. 
C'est ce visage de l'islam rwandais qui nous a amenés à nous convertir. "

Au Rwanda, 1% seulement de la population est de confession musulmane. Mais 
alors que l'Eglise catholique et les différentes confessions protestantes 
peinent à se remettre des conséquences du génocide, cette petite communauté 
islamique voit depuis quelque temps grossir ses rangs de nouveaux fidèles. 
D'anciens chrétiens viennent demander aux imams de se convertir à l'islam 
parce que la plaie des massacres saigne toujours au coeur de leurs Eglises. 
" Je ne pourrai jamais oublier cette vieille dame musulmane de Nyamirembo. 
Elle m'a avoué au cours du génocide que des Tutsis musulmans étaient cachés 
dans une dizaine de maisons proches par leurs coreli- gionnaires hutus. 
Ceux-ci s'étaient promis de mourir avec eux s'ils étaient repérés par les 
milices ", explique Zuena. Un fait confirmé par le théologien catholique 
laïc Laurien Ntezimana, qui échappa de justesse à la mort: " Les musulmans 
rwandais ont été sauvés par leur sens de la solidarité, avoue- t-il. 
Certains, bien sur, ont trempé dans les massacres. Mais dans les mosquées, 
la loi du silence a prévalu. Chacun savait qui était Hutu et qui était 
Tutsi, mais les bouches sont restées obstinément closes. Alors que la 
délation, chez les catholiques, a fonctionné à fond. "

Selon les autorités rwandaises actuellement dominées par les Tutsis, 
plusieurs centaines de chrétiens rwandais se seraient ainsi convertis à 
l'islam depuis 1994. Un chiffre à rapprocher des milliers de nouvelles " 
recrues " des sectes qui, au pays des Mille Collines, prospèrent sur les 
blessures des Eglises traditionnelles. Car, dans ce Rwanda où le procès, 
puis l'ac- quittement de l'évêque de Gikongoro, Mgr Misago, a relancé le 
débat sur la responsabilité de l'Eglise catholique, les implications 
religieuses du génocide demeurent comme une corde nouée autour du cou de 
cette population réputée pour être l'une des plus pieuses d'Afrique: "Les 
prêtres disent qu'ils ne pouvaient rien faire pour arrêter les tueurs ", 
explique Ali-Matin en se dirigeant vers la mosquée de Nyamirembo. Peut 
être. Mais j'ai vu, de mes yeux vu, certains religieux prêter main forte 
aux assassins. Ce qui n'a pas été le cas des imams. Or, cela, jamais je ne 
pourrai l'oublier... "

De notre envoyé à Kigali Richard Werly, dans " Actualité des Religions ", 
n. 19, septembre 2000

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DOC. Nr 2
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A propos de l’article paru dans « Actualité des religions »,  de Septembre 
2000
« Certains chrétiens rwandais se convertissent à l’islam en raison de 
l’attitude exemplaire des musulmans du cru...»


         Le mythe issu d’un sérieux travail de désinformation court 
toujours, même s’il y a belle lurette qu’au Rwanda il a été éventé et que 
l’on n’ose plus l’avancer publiquement.

         Dès juillet 1994 le journal « La Croix » avançait que « les 
musulmans se seraient mieux comportés que les chrétiens lors du génocide et 
des massacres d’avril à juillet 1994 . »

         Le 8 octobre 1995, le Président BIZIMUNGU Pasteur lance la même 
thèse au cours d’une fête de la communauté musulmane qui voulait honorer 
deux ministres du nouveau gouvernement issus de cette communauté. Il ne le 
redira plus car si « l’Eglise » se tait, les media ont commencé à 
contrecarrer avec une certaine vivacité ces assertions.

         Une journaliste de l’officiel « Imvaho » (hebdomadaire du 
gouvernement) titrait déjà quelques mois plus tôt « L’Eglise est accusée de 
crimes : ‘ceux qui connaissent la vérité ne l’ont pas lâchée’ ».

         Suite à l’intervention du Président, le journal « Rwanda rushya » 
(= le nouveau Rwanda) numéro 64, p. 5, de novembre 1995, titrait dans la 
langue rwandaise : « Gouvernants, n’aggravez pas notre peine ! », et 
l’auteur de l’article s’élevait contre une double contre-vérité : celle qui 
voudrait accréditer qu’il n’y ait pas eu de résistances aux massacres et 
génocide de 1994 en dehors de la communauté musulmane, ainsi que celle 
selon laquelle les musulmans auraient eu « une attitude exemplaire ». Il 
alignait un nombre important de faits prouvant le contraire de ce 
qu’affirmait le Président de  la République, et il cite :  ‘Ngeze Hassan’ 
musulman bien connu au Rwanda pour ses positions extrêmistes et comme 
rédacteur du journal Kangura  ; ‘Sheik Kibata Djuma’ et son rôle politique, 
‘Sheik Mugwiza’ ;  ‘n’était-ce pas des jeunes musulmans de Biryogo (Kigali) 
qui étaient à la tête des miliciens qui massacraient et pillaient dans la 
ville...’ ; ‘Youssouf Munyakazi, Saloun, Haruna, Nassoro, Ramadhan et leurs 
compagnons miliciens’ dénoncés comme ‘les grands responsables des massacres 
dans la préfecture de Cyangugu et qui ont aussi sévi dans les préfectures 
de Kibuye et Butare’... A peu près au même moment un autre journal titrait 
en français : « Attention on veut islamiser le Rwanda ! » Pourquoi dès lors 
ressasser ces clichés qui blessent et ne font pas justice à la vérité?

Moi-même, étonné, je suis resté de longs mois dans l’expectative. Je 
voulais en savoir plus et vérifier un certain nombre d’informations. En fait :

- je savais qu’au Centre islamique de Nyamirambo, après que Lybiens et 
Soudanais qui encadraient le Centre l’eussent quitté le 13 avril 1994, 
quelques 400 personnes qui y avaient trouvé refuge en ont été sorties 
et  beaucoup ont été tuées ;

- dès le 31 mars 1994 la paroisse de Nyamirambo avait accueilli 120 
personnes, en majorité originaires du quartier de Biryogo / Gatare. Ces 
gens qui fuyaient l’insécurité de leur quartier suite à un assassinat 
‘politique’ pour se réfugier chez les prêtres de la paroisse et chez les 
Frères Joséphites étaient pour beaucoup des musulmans, issus d’un secteur à 
forte population musulmane ;

- le 6 avril 1994, quelques heures avant l’assassinat de l’ex-Président 
rwandais, je participais à une réunion dite de pacification dans le secteur 
de Biryogo. Cette réunion était destinée à faire accepter par tous les gens 
du quartier le retour de ceux qui l’avaient fui par peur de représailles 
aveugles. J’avais été frappé, déjà, par l’agressivité de certains jeunes du 
quartier vis à vis des prêtres;

- lorsque la maison où Marc Vaiter avait accueilli de nombreux enfants fut 
atteinte par un obus fin mai 1994 et qu’une quinzaine d’enfants y furent 
blessés, heureusement sans trop de gravité, ils ne furent pas conduits à la 
mosquée pourtant proche de leur résidence, mais leurs voisins les aidèrent 
à gagner la paroisse St. Michel où ils résidèrent plus d’un mois ;

- on pourrait avancer d’autres faits, faire une analyse plus poussée qui 
montrerait que ce slogan n’est pas innocemment mis en avant.

         Les accusations lancées font partie de la panoplie d’assertions, à 
mon avis sciemment orchestrées, pour discréditer les  communautés 
chrétiennes et l’Eglise catholique en particulier.

         Il ne s’agit pas de charger plus que les autres la communauté 
musulmane. Des résistances ont certainement eu lieu dans certaines de leurs 
communautés, comme ailleurs. A Rwezamenyo (Nyamirambo), on m’a cité comme 
positive l’action d’un musulman et d’un chrétien pour lutter contre les 
assassinats et, de fait, beaucoup de gens de ce quartier ont survécu. Un 
jour, c’est un homme de ce quartier qui m’a arrêté à la barrière de 
contrôle où il se tenait, sans doute pour donner le change ; il me  remit 
une liste de personnes en danger pour que je la fasse parvenir à la MINUAR 
afin qu’ils viennent les chercher et les mettent à l’abri. J’ai alors 
rencontré un colonel de la Mission des Nations Unies pour le Rwanda qui a 
probablement estimé ne rien pouvoir faire dans un tel climat de violences.

         D’autres exemples de résistance pourraient être cités, à partir 
d’une solidarité de quartiers, de régions d’origine, de voisinage, etc… 
L’histoire de cette résistance, occultée par l’immensité des drames, 
reste  à faire.

         Pour conclure, et à partir de l’article paru dans « Actualité des 
religions », je ferai quatre remarques :

* que des jeunes passent d’une religion à une autre, d’une confession à une 
autre, c’est certain et on connaît cela ailleurs qu’au Rwanda. En 
l’occurrence la motivation avancée par ces jeunes montre qu’un travail de 
sape finit par atteindre des gens soumis au matraquage médiatique et à la 
désinformation, victimes aussi – c’est possible – d’une expérience 
douloureuse.

* des accusations générales et graves sont maintes fois reprises contre « 
des prêtres ». A Kigali j’ai été témoin de ce qu’ils ont eu à souffrir. Ils 
ont été des pôles de résistance, aussi difficile qu’elle ait été à mener. 
Certains d’entre eux en sont morts, un autre a été grièvement blessé.

* Laurien Ntezimana, pris à témoin par l’article, parle peut-être pour son 
lieu d’insertion. Mais il se trouvait alors à 125 kilomètres de Nyamirambo 
/ Kigali.

* Y a-t-il beaucoup de conversions à l’Islam au Rwanda? Il me paraît abusif 
d’extrapoler à partir de deux cas. Cela reste à vérifier. Il y a certes un 
« va et vient » d’une religion à une autre,  d’une confession à une autre 
surtout, comme je le dis dans ma première remarque . C’est sans doute pour 
une part le signe d’un déboussolement consécutif aux souffrances et 
traumatismes subis. D’autres analyses devraient être faites pour expliquer 
l’explosion des sectes et églises qui, au Rwanda,  sont passées d’une bonne 
dizaine avant 1994 à plus d’une centaine actuellement semble-t-il.

Avec  mes amicales salutations.

Henri Blanchard, curé à Nyamirambo



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Un homme meurt chaque fois que l'un d'entre nous se tait devant la tyrannie 
(Wole Soyinka, Prix Nobel litterature) *
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Everytime somebody keep silent when faced with tyranny, someone else dies 
(Wole Syinka, Nobel Prize for Literature)     *
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