Message de la Campagne Nationale pour la Paix Durable en RDC

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Message de la Campagne Nationale pour la Paix Durable en RDC
a' l'occasion du 40eme anniversaire de l'accession du pays a' l'Independance

Prononce' par le Dr.
Pierre Anatole MATUSILA, President

Du 30 juin 1960 au 30 juin 2000, la Republique Democratique du Congo vient
de totaliser jour pour jour 40 ans depuis son accession a' la souverainete'
nationale et internationale.
Le nombre 40 est plein de sens et de significations.
Il represente la moitie' de la duree de la colonisation belge, la duree de
la traversee du desert du peuple d'Israel, le nombre des jours de jeune de
Jesus dans le desert, l'annee du declenchement de la seconde guerre
mondiale, l'age minimum pour pretendre aux fonctions du president de la
Republique et la liste peut se poursuivre.

Les 40 ans sont vite passes mais quel heritage offrent-ils a' la nation
congolaise ?
A l'accession du Pays a' l'independance, le niveau de developpement du
Congo etait le meme que celui de l'Afrique du Sud et du Canada.
Les infrastructures medico-sanitaires, scolaire, academiques, de la
recherche agronomique, le produit interieur brut et le revenu national par
tete d'habitant etaient d'un niveau tel que le decollage economique
apparaissait certain pour les dix annees de l'independance qui allaient
suivre.

Quel dommage! L'insecurite' generalisee a arrete' net l'elan de
developpement du Pays.
Aussitot l'independance proclamee, le Congo est entre' dans un cycle de
violence.
La secession katangaise de Moise Tshombe et du Sud Kasai d'Albert Kalonji,
la rebellion muleliste ont inaugure' le cycle de la conquete du pouvoir par
les armes et le bain de sang du congolais.
Ces evenements tragiques ont motive' l'entree en scene de l'Organisation
des Nations Unies (ONU) dans les affaires congolaises en ce qui concerne la
paix et la securite'.

Mais la presence de l'ONU sur le sol congolais n'a pas apporte' la paix a'
sa population.
Aussi, sa presence a meme favorise' certains assassinats commandites par
les grandes puissances.


Il a fallu que les Congolais se ressaisissent eux - memes par moment pour
resoudre les differentes crises que le pays a connues.
Par le dialogue, les congolais ont su surmonter les moments extremement
difficiles qu'ils ont eu a' traverser suite aux divergences ideologiques
inspirees des blocs Est - Ouest et/ou des luttes politiques internes des
acteurs politiques des annees 1960.
Les rencontres de Mbandaka, de Tananarive, de Lovanium, de Kisantu, de
Luluabourg, d'Iyonda et du Palais du Peuple ont permis aux congolais de
cultiver et consolider la vertu du dialogue et un esprit de reconciliation.

Il faut cependant reconnaitre que la volonte' de certains politiciens de
tirer fortement la couverture de leur cote' n'a pas permis de tirer grand
profit de toutes ces rencontres car faute d'une entente veritable, le pays
est passe' de crises en crises.
Et chacune d'elles a contribue' a' l'effondrement du tissu economique et de
l'environnement social.
Le climat d'instabilite' politique chronique instaure' au pays a incite'
les investisseurs a' reduire leurs capitaux d'abord, ensuite a' les arreter
et enfin a' se retirer carrement du sol congolais declare' par les
strateges economiques mondiaux comme zone d'affaires a' tres haut risque.
Ainsi, les investisseurs serieux et honnetes se verront remplaces par des
reseaux mafieux, veritables predateurs des richesses de notre pays.
Ils trouveront beaucoup de complices parmi les filles et fils du pays soit
au pouvoir soit dans le monde des affaires.
Ils se livrent a' un veritable concert des sorciers pour totalement
desarticuler le circuit economique et bancaire jusqu'a' faire du Congo un
pays comptant parmi les plus pauvres et les plus endettes du globe.
Une situation paradoxale lorsqu'on tourne les regards vers les
potentialites geologiques, hydrographiques, forestieres, edaphiques et
climatiques du Congo.

A la simple desarticulation predatrice de l'economie congolaise vient de
s'ajouter une dimension qui donne un coup de grace a' cette derniere: la
destruction, sous le couvert de la guerre, de toutes ses infrastructures
sociales et economiques, des edifices publics, et le pillage systematique
a' ciel ouvert de toutes les richesses de certaines regions du pays.

Il s'agit plus exactement de la guerre d'agression que connait notre pays
de la part de ses voisins : le Burundi, l'Ouganda et le Rwanda.
Ces trois pays, sous pretexte d'appuyer une rebellion congolaise, se sont
permis de declencher une guerre sans cause contre notre pays et ont
occupe', depuis le 2 aout 1998, une grande partie du territoire a' l'Est et
au Nord du pays.

Dans leur aventure, les agresseurs ont beneficie' d'une large complicite'
de certaines grandes puissances qui leur offrent d'importantes ressources
financieres pour supporter la facture de la guerre au grand dam de la
Declaration universelle des droits de l'Homme et de la Charte africaine des
droits de l'Homme et des peuples.

A propos de cette guerre d'agression que vit notre pays, la Campagne
Nationale pour la Paix Durable en RDC note avec inquietude l'attitude des
grandes puissances par surcroit membres permanents du Conseil de Securite'
des Nations Unies qui se caracterisent par une immoralite' scandaleuse et
honteuse pour avoir si longtemps garde' le silence devant des massacres des
populations civiles sans defenses, perpetrees par les armees regulieres du
Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi.

A part les massacres des juifs sous Hitler chiffre' a' 6 millions d'ames,
le Congo est le seul pays au monde qui totalise en deux guerres, le nombre
des victimes depassant la barre de 2 millions, avant la fin de celle-ci
sans compter tous ceux qui meurent de faim et des maladies.
Et malgre' le caractere hautement meurtrier de cette guerre, les
belligerants ne sont pas prets a' l'arreter et rien de veritablement
credible n'est envisage' par la Communaute' Internationale pour les y
contraindre.

La guerre en RDC touche particulierement les territoires de l'Est, du
Centre et du Nord du pays.
A l'Est la population est soumise a' un genocide sans nom ou' des villages
entiers, des champs et du betail sont incendies, des dizaines de centaines
de personnes assassinees pour favoriser l'implantation des tutsi.
Femmes, enfants et vieillards sont la cible privilegiee des agresseurs.

Mais en depit de la fiabilite' de l'information disponible, la Communaute'
Internationale ne se contente que des reactions timides juste pour se
donner bonne conscience au lieu de condamner fermement les ignobles actes
que la coalition des trois Etats voisins ne cessent de perpetrer.

Tout ce passe comme si la Republique Democratique du Congo n'est pas membre
de la Communaute' Internationale et que la population congolaise ne fait
pas partie de l'humanite'.

Le plus grand scandale jamais enregistre' dans l'histoire des Etats du
monde est la guerre du diamant que livrent ougandais et rwandais a'
Kisangani.
Comme pour davantage humilier le peuple congolais, narguer la Communaute'
Internationale et etaler au grand jour la complicite' des puissances
occidentales aux cotes des tutsi, deux armees regulieres se sont livrees a'
trois reprises a' une canarde reciproque qui a abouti a' raser la ville de
Kisangani et tuer sans distinction des centaines de civils sans defenses et
sans litige avec elles.
Meme devant un tel drame, les membres permanents du Conseil de securite' de
l'ONU ont persiste' dans leur ambiguite' coupable car les mots agresseurs
et genocidaires n'ont pas apparu dans le texte de la resolution 1304 qui,
contrairement a' la situation du Kosovo, ne fixe aucun delai buttoir aux
ougandais et rwandais pour quitter totalement le sol congolais et pas plus
que des mesures coercitives concretes en cas de non-respect de la date
limite.

Les RCD/Goma et Wamba ont assiste' et assistent encore a' cette ignominie
en spectateurs impuissants sans mot dire devant la boucherie humaine de la
population au nom de laquelle ils ont declare' la guerre au pouvoir de
Kinshasa pour la liberation de ladite population.
Le Gouvernement de Salut Public a lui aussi assiste' impuissant devant le
cynisme caricatural de deux agresseurs moqueurs experimentant leurs
puissances militaires respectives en territoire conquis.

Aujourd'hui tous les indicateurs de gestion de l'Etat sont au rouge et plus
rien ne tourne.
La situation politique est bloquee et l'accord de Lusaka qui semblait
redonner de l'espoir quant a' l'issue de la crise fait l'objet de la
speculation strategique.
Tous les signataires de cet accord semblent ne plus y attacher de
l'importance tandis que le dialogue intercongolais qu'il preconise est en
peril.

D'une maniere generale, le peuple congolais qui n'est pas de tradition
guerriere, est las de la guerre et ne demande plus qu'une chose: l'arret
total et definitif de la guerre.
L'arret de la guerre reclame' a' cor et a' cri par le peuple congolais
implique deux demarches simultanees: le retrait immediat des troupes
d'agression du territoire congolais et l'ouverture du dialogue
intercongolais conformement a' l'accord de Lusaka ou' toutes les
composantes doivent se mettre en confiance pour la realisation de la
reconciliation et du consensus national sur le nouvel ordre politique a'
mettre en place.

La Campagne Nationale pour la paix Durable en RDC «CNPD» tire son objet
social dans sa domination meme : PAIX DURABLE.
La paix durable est la condition sine qua none pour la reprise de toute
activite' productive dans notre pays a' tous les niveaux, penser a' la
reconstruction nationale, sans la paix durable serait un leurre.

Mais il ne suffit pas de penser a' la paix ou bien de la desirer simplement
pour la voir se realiser.
Il faut la batir, la cultiver et la laisser s'accroitre jusqu'a' l'age mur
avant sa capitalisation pour le bonheur de tous.
Batir la paix durable est une entreprise de longue haleine qui exige du
batisseur, patience, humilite', abnegation, volonte' et amour du prochain.
Le batisseur doit s'activer pour la recherche des solutions pacifiques pour
resorber la crise a' l'exclusion de tout recours a' la violence aussi
legitime pourrait - elle etre.

C'est dans cet ordre d'idees que la CNPD rejette toute initiative de prise
ou de conservation de pouvoir par la force des armes.
Ainsi, repondant a' la volonte' de notre peuple qui demande l'arret
immediat de la guerre, l'instauration de la paix dans notre pays et le
retrait en bon ordre des armees etrangeres sur le sol congolais, les
animateurs de la CNPD n'ont qu'un seul souci : entreprendre et s'inscrire
dans les initiatives qui concourent directement ou indirectement au retour
de la paix dans le pays.
L'arret de la guerre et le retrait des armees etrangeres et d'occupation du
territoire national sont certes des etapes importantes mais ne constituent
pas a' elles seules les conditions exclusives de la paix.
A ces etapes doivent s'ajouter le dialogue, l'organisation et la gestion
consensuelle de la transition, la cohesion interne et la reconciliation
nationale, la democratie en vue de l'instauration de l'etat de droit pour
une paix durable.

Aussi la CNPD tient-elle pour incontournable le dialogue national comme
etape consensuelle figurant dans l'accord de Lusaka librement negocie'
entre le gouvernement du salut public et les trois branches armees de
l'opposition politico - militaire.
La CNPD reconnait qu'il y a beaucoup d'insuffisance et d'imperfection dans
cet accord, mais c'est en ouvrant le dialogue que toutes les parties a'
celui - ci pourront avoir l'opportunite' de proposer des elements
complementaires aux uns aux autres.
C'est cette donne qui dicte a' la CNPD sa determination de rester attache'
a' ce forum dont elle souhaite la tenue le plus rapidement possible.

La question de la facilitation qui a provoque' beaucoup de passion dans le
chef des autorites de Kinshasa est regardee avec froideur par la CNPD tant
il est vrai que le facilitateur n'est qu'un facilitateur et pas plus.
Sa mission principale est de rapprocher les belligerants d'une part et les
autres acteurs socio - politiques avec d'autre part au dialogue.
Il est donc regrettable que des incidents allant jusqu'a' la mise sous
scelle le bureau du facilitateur a' Kinshasa se soient produits inutilement
car, dans la mesure ou' une partie recuse celui qui a recu la charge de
faciliter le dialogue il ne reste plus qu'a' constater le blocage
momentane' avant de trouver son remplacant.
Etant entendu que le Dialogue se passera entre fils et filles du pays, la
couleur ou l'origine du facilitateur importe peu pour la CNPD qui repondra
toujours presente a' l'invitation de tout facilitateur accepte' par les
parties.



Dans sa vision la CNPD concoit la paix durable en RDC comme un produit issu
des facteurs suivants:

- L'arret des hostilites armees de toutes les forces en presence car les
armes sement la mort, l'insecurite', la peur et la fuite des investissements

- Le retrait des troupes etrangeres de notre sol car une armee etrangere le
restera toujours quelles que soient le type d'alliances qui peuvent lier
les etats entre eux ; l'exemple des armees rwandaises et ougandaises
alliees d'hier qui se sont transformees en agresseurs avec toute la
connaissance qu'elles ont eues sur notre propre armee

- Le dialogue national entre congolais, car c'est grace a' cette rencontre
que les freres ennemis pourront apres s'etre tires dessus et avoir
provoque' des catastrophes humanitaires parmi les compatriotes se parler et
se reconcilier et prendre des engagements fermes contre la violence;
arreter de commun accord les regles qui permettront a' tous d'occuper
pacifiquement l'espace politique sans recourir aux armes pour faire valoir
leurs droits

- La relance du processus de democratisation, car tous doivent ensemble
decider sur les echeances electorales et sur la constitution du pays qui
nous ont fait defaut depuis 40 ans d'existence en tant qu'Etat souverain.
En effet, malgre' ses dix echeances electorales depuis la proclamation de
l'independance aucune d'elles n'a favorise' de stabilite' politique a' la
RDC

- La reconstruction nationale car la destruction qu'a atteint le tissus
social et economique du pays doit etre l'affaire de tous, et c'est par la
reprise des activites economiques productives et la resolution des
problemes sociaux que le taux de criminalite' pourra baisser et certains
compatriotes qui ont faits des activites politiques une source de revenu
pourront etre securises par des emplois stables et remunerateurs

- La mise en place consensuelle des institutions de la transition pour ne
pas reediter les malheureuses experiences du passe' ou l'exclusion de
certains groupes politiques et sociaux a' leur participation dans ces
institutions avaient provoque' des malaises et des contestations qui n'ont
pas permis a' ces dernieres de fonctionner normalement.
Et les blocages politiques qui s'en suivaient etaient et sont a' l'origine
de la derive socio - politico - economique dont souffre notre pays.
Il serait donc tres hasardeux au gouvernement du salut public de mettre en
place une assemblee constituante et legislative exclusiviste dans laquelle
plusieurs forces politiques et sociales ne pourront pas se reconnaitre

- La liberte' d'expression et d'opinion conformement aux instruments
juridiques internationaux concernant les droits de l'homme, ratifies par
notre pays

- La participation active et effective de la population dans toutes les
affaires qui concernent la marche du pays

- L'instauration d'un Etat de droit, car l'absence d'une justice
distributive equitable est l'une des plus grandes sources d'insecurite' qui
est a' l'origine de tous les maux dont souffre la nation congolaise

- La solidarite' nationale, sans laquelle on ne saurait envisager la
cohesion qui est le ciment par excellence comme materiaux de construction
de la paix durable

- La paix, pour la CNPD n'est pas celle des pacifistes mais des etres
conscients de leurs droits et de leur absolue dignite' et prets a' oeuvrer
pour leur respect et pour le respect de ces droits et dignite' en tout etre
humain vivant en ce monde.



A la lumiere de ce panorama globalement sombre de 40 ans d'Histoire de
notre pays, la Campagne Nationale pour la Paix Durable en RDC lance un
appel pressant:

- A l'elite politique de notre pays pour qu'elle retrouve sa dignite' et
son merite dans l'exercice du pouvoir et de l'autorite' politique comme
service et charge.
Il n'est pas en effet digne et meritoire de repandre le sang des congolais
pour conquerir ou conserver le pouvoir.
Il n'est pas digne et meritoire de detruire le patrimoine national pour
assouvir ses interets materiels.
Il n'y a de grandeur en politique que dans la promotion et le developpement
du bien etre pour tous, dans la sauvegarde de l'integrite' et de la
souverainete' nationale et dans le maintien de la paix et le developpement
d'un etat de droit.

- A l'elite intellectuelle et scientifique de se reconcilier avec le peuple
congolais en mettant a' son service les acquis scientifiques et techniques
conquis grace aux sacrifices qu'il a endure'.
Cessons de nous mettre au service du pouvoir pour le pouvoir.
Comme talent la science n'a de valeur que si elle contribue a'
l'edification des personnes et de la communaute'.

- A la femme congolaise de decouvrir davantage sa mission de mere, d'epouse
et de partenaire de l'homme dans l'edification de la Nation. 40 ans durant
vous avez contribue' a' la survie de la Nation congolaise.
Mais il n'y a point de grandeur dans la corruption, dans le nivellement de
l'homme par le bas et dans la traitrise.

- Enfin au peuple congolais de continuer a' resister farouchement aux
forces de division et de desintegration de notre pays.
Cessons de nous laisser manipuler, pauperiser et clochardiser.
Il n'y a de grandeur que dans la coordination de nos efforts et dans la
lutte contre la pauvrete' et l'ignorance, dans la prise de conscience de
notre pouvoir de controle et de regulateur de l'elite politique et sociale
de notre pays.
Il n'y a point de grandeur dans la resignation et la peur.

Que Dieu protege notre Pays et son Peuple,

Fait a' Kinshasa, le 29 juin 2000




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